Résolu 9. Elephant in the room [Daniel x Oden]

[Oden]

Retourner chez lui ? La main posée sur sa joue, il faisait face à Daniel, en réfléchissant. Il fit une mine un peu déçu, puis secoua la tête.

" - Non, pas avant un bon moment. Il y a des trucs qui me manquent, c'est vrai. Je pense que ce n'est pas le bon moment."

Se fermer totalement à la Suède n'était pas du tout ce qu'Oden souhaitait. Il ne souhaitait pas non plus fermer la porte complètement sur sa famille. Elle était la chose la plus importante, mais il avait besoin de cette solitude loin d'eux et de ce qu'ils représentent, histoire de pouvoir souffler un peu. Malgré tout, il ne voulait pas mourir aussi jeune, ici à New York, sans les avertir ou pouvoir être à leur côté. Qu'ils ne sachent jamais ce qui lui était arrivé, et pensent qu'il les avait oublié.

" - J'aimerai aller en Inde, pour l'instant. Mais sinon, New York me convient très bien."

[Daniel]

Eh bah dis donc, c'est qu'Oden et moi on se ressemblerait sur plus de points que j'aimerais l'admettre. Sur cet aspect-là de nos vie, on se ressemblerait peut-être un peu trop. Quelque part c'est la même raison qui nous a poussé à quitter le notre pays : on voulait plus. J'hochais la tête, comprenant au moins ça. Ce n'est pas le bon moment pour moi non plus.  

Le feu vient de repasser au vert. J'avais le pieds au plancher à l'instant même. Un petit sourire en coin parcourait mes lèvres.

“-Eh bah, faut te décider. Tu veux faire un séjour en Inde ou en Suède ?”

Le choix serait vite fait si j'étais Oden. Il y en a un que je n'avais pas encore vu.

[Oden]

Oden se mit à rire doucement, en fermant les yeux un instant. Il imaginait ce que ça représentait, l'Inde. Les couleurs, les odeurs, la culture.

" - En Inde, d'abord. Histoire de grandir un peu."

Grandir, peut-être pas physiquement. Oden aimerait bien être un peu plus petit, histoire que ce soit plus pratique. Mais les gens veulent toujours ce qu'ils n'ont pas et il était le parfait exemple. Ce n'était pas tant handicapant que ça, surtout gênant puisqu'il était impossible pour lui de ne pas se faire remarquer.

" - Et toi, alors ? Tu ne peux pas vouloir rester ici toute ta vie."

[Daniel]

Oden a déjà parlé de l'Inde par le passé, qu'il appréciait la philosophe de vie des gens qui habitaient là-bas, que ça le fascinait même. D'où ça peut bien lui venir un tel attrait pour l'Inde d'ailleurs ? J'haussais un sourcil. Grandir un peu, dans sa tête il veut dire ? Avait-il vraiment besoin de voyager aussi loin pour grandir. Peut-être que ne serait-ce que la démarche de s'émanciper était un voyage pour grandir. Après tout, n'est-ce pas ce qu'il s'est passé avec moi ? Dans ce cas là on peut grandir partout, pas forcément en Inde. 

Moi ? Mon sourire s'agrandissait. C'est simple.

“-J'irai partout.” 

Partout où le monde à quelque chose à m'offrir. Quand on a du temps à la pelle, on n'a pas le temps de s'inquiéter pour ça.

[Oden]

Oden agitait la tête comme s'il écoutait une musique. Il était en accord avec Daniel, jusque là. Il avait rencontré beaucoup de gens, mais c'était toujours agréable de parler avec ceux qui vous comprennent et partagent la même vision des choses. Histoire de ne pas trop se perdre soi-même, en tout cas.

" - J'aimerai aller partout aussi, si j'avais les moyens."

L'argent et le temps, surtout. Si Oden n'avait pas besoin de travailler, qu'il avait suffisamment d'argent pour toute une vie, il ne se limiterait plus à un seul endroit, à une seule personne. Il aurait la Terre entière comme terrain de jeu.

" - Qu'est-ce qui t'en empêche, toi ?"

[Daniel]

Les terrestres n'ont vraiment rien le temps de faire, leur vie s'éteint en un clin d'oeil. Est-ce que certains hommes sont si riches, font tellement de choses qu'ils ont le temps de refaire le tour du monde plusieurs fois pendant leur courte durée de vie ? Si oui, qu'est-ce qu'ils leur reste à faire après ? C'était plein de questions auxquelles moi, j'avais amplement le temps de répondre. C'est peut-être le problème, aussi. Quand on a trop de temps on ne sait pas quoi en faire, quand on en a pas assez on sait ce qu'on en ferait.

“-J'aime être ici, pour l'instant.”

L'argent n'avait pas tant à voir avec ma capacité à voyager ou non. J'étais en quelques sortes matérialiste, mais la valeur de l'argent n'avait aucune importance pour moi. Elle en a aucune au royaume des Fées, alors en arrivant ici c'est vrai que de ce point de vue là, ça n'a pas été simple de m'adapter. Ce n'était pas forcément pour le meilleur d'ailleurs, que la société des fées ne soit pas capitaliste. Elle ne restait pas nécessairement mieux que la société des terrestres.

[Oden]

Awh, New York... C'était "fashion", c'était un monde à strass et à paillette, un monde à la mode. Il y en avait pour tous les goûts. Oden avait trouvé tout ce petit monde aussi charmant que particulièrement superficiel. Tout était régit par le look, ce qui ne lui avait pas échappé vu que les regards se dirigeaient sur lui dès qu'il sortait dans la rue. Sauf que les gens voyaient des tas de types comme Oden, des gothiques, des lolitas, et un bon nombre de déguisements et autre fantaisies, suffisamment pour s'apercevoir que si Oden était tout blanc, c'était au moins pas la chose la plus surprenante du monde. Un mal pour un bien, en quelque sorte. Daniel avait un physique tout aussi atypique, et plutôt que de le questionner les gens se trouvaient intéressés par sa personne. Mais ce n'était que du look, avant de partir d'une bonne discussion autour d'un verre.

" - Tu ne trouves pas tout ça... étouffant ? Le bruit, les lumières, les gens..."

[Daniel]

Je crois que je suis en train de me rapprocher du lot d'appartement où Oden doit vivre, mais j'admets que je commence à avoir oublié où exactement. De toute façon il peut toujours m'avertir si jamais je m'égare, c'est mieux que de se perdre inutilement, sans oublier qu'il ne vaut mieux pas jouer avec la fatigue au volant. Heureusement que les questions d'Oden me gardait éveillé, même si le risque d'accident est en réalité faible, voire quasiment nul. 

“-Si.”

Évidemment que ça changeait de l'espèce de campagne géante et superficielle dans laquelle j'avais grandi... Mais en fait non, pas tant que ça. C'est peut-être parce qu'il y a certaines sensation qui me rappelait la maison tout en restant différent.

“-Il y a certaines choses qui me rappellent la maison, à New York.” 

Le comportement de certains gens, toute cette dimension surréaliste en fait. Elle sonnait un peu plus fausse, en revanche, moins naturelle. 

“-Mais à côté c'était aussi le premier vol disponible pour moi. En quelques sortes.”

[Oden]

Oden ne faisait pas réellement attention à la route. Il jouait encore avec le vent, accordait quelques regards discrets à Daniel lorsqu'il lui parlait, mais la plupart du temps il lui faisait simplement confiance. Il observait des yeux le bâtiment dans lequel il vivait, lorsqu'ils passèrent devant, sans rien dire. Il devait probablement chercher le parking sur lequel se garer, comme la dernière fois ? Ici ou trois mètres plus loin, Daniel pouvait bien le poser où il voulait.

" - C'était pareil pour moi. New York, ou Venise."

Mais Venise ne semblait pas assez loin. Quelle étrange sensation de vouloir fuir tout un paysage, un pays, et un continent à la fois. Oden avait pu s'émanciper, et découvrir une force mentale dont il ne se serait pas cru capable des mois auparavant. C'était une bonne décision, juste pas si bien exécutée que ça.

[Daniel] 

“-Venise aurait peut-être été plus intéressant esthétiquement parlant.”

Une ville sur l'eau, c'est fascinant non ? Et à Venise, il n'y a pas d'immense building, de lumière à tout va. En revanche il y avait les ponts, Burano et Murano, puis le Carnaval qui doit vraiment être quelque chose aussi. Mais bon, il y a aussi la barrière de la langue. Peut-être était-ce plus simple d'aller à New York pour ça. 

Maintenant, il fallait que je trouve de quoi me garer correctement. Je faisais plusieurs tours, car il n'y avait aucune place avant de finalement en appercevoir une toute petite pas très loin. Bon, Oden devra marcher un peu mais je pense que ça ira.

“-Et voilà.” annoncais-je 

Je n'eteignais pas le moteur de la voiture. Pour le peu que je vais rester.