Résolu 9. Elephant in the room [Daniel x Oden]

[Oden]

Le garçon tourna la tête vers Daniel, concerné. Des fois, ça lui arrivait de baisser inconsciemment les yeux pour trouver le visage de Daniel, avant de se rappeler qu'ils faisaient pratiquement la même taille, à l'exception de quelques petits centimètres qui faisait d'Oden le plus grand - ce dont il se vantait bien en douce. 

" - Non, je disais ça comme ça. T'as pas à te sentir obligé de le faire."

Il n'allait pas se mettre à commander la vie de Daniel, fais-ci, fais-ça, couche toi là, ici et maintenant. C'était ridicule, et c'était peut-être cette liberté sauvage qui l'intéressait chez Daniel. Si son patron ne se sentait pas de faire une chose, ou de poursuivre une conversation, il ne semblait pas perdre de temps pour le faire remarquer. Une chose qu'Oden avait beaucoup de mal à mettre en place: dire non.

[Daniel]

“--Je disais ça comme ça aussi.”

Bientôt je me retrouvais à même hauteur d'Oden plutôt que d'être derrière. Avec les gens sur le trottoir, c'était parfois compliqué de garder trace des gens avec qui on est à New York. Il y a tellement de monde en même temps.

“-Je ne suis pas du genre à rester sans rien faire.”

Contrairement à ce que les apparences pourraient faire croire. Je n'étais pas devenu patron du Pandemonium en n'en foutant pas une. Maintenant que j'y pensais plus en profondeur, ne rien faire risque de me rendre dingue avant même que je ne m'en rende compte. Il y avait dans les efforts la même sensation que je pourrais retrouver dans un challenge,  la récompense qu'il y a au bout. Je vivais que pour ça techniquement. Le frisson de ressentir des choses, la satisfaction qu'on y gagne.

[Oden]

Le Suédois l'écoutait attentivement. Ne pas rester sans rien faire, c'était quelque chose qu'Oden appréciait, parfois, rarement. Ca pouvait arriver, disons. Il se mettait à réfléchir silencieusement. Ce n'était pas tant le fait de ne rien faire, cela pouvait lui arriver. Mais il s'ennuyait rapidement s'il n'y avait personne à ses côtés. Oden n'avait pas forcément besoin de parler, de toucher quelqu'un, ou de faire quelque chose de productif, pour simplement apprécier la présence de quelqu'un à ses côtés. Ca pouvait être n'importe qui, ce qui le rendait facile à vivre dans les espaces remplis de monde.

" - Tu n'as qu'à planifier des trucs à faire. Tu pourrais en profiter pour voyager ? Quoique, je ne sais pas si tu auras le droit. Si on enquête sur nous, ce serait suspect de partir maintenant... De toute façon, on va avoir du boulot pour gérer tout ça et remettre l'endroit sur pied. Je ne veux pas être celui qui ira nettoyer la pièce, pitié."

Sur cette dernière remarque, Oden lança un petit regard inquiet à Daniel, espérant qu'il capte le message. Il ne savait pas comment la procédure de tout ça devait se passer, les étapes et ce qu'ils avaient le droit de faire ou non. Il ne voulait cependant pas retourner là-bas, le temps de retrouver une certaine paix vis-à-vis de l'incident.

[Daniel]

Oh, je ne suis pas du genre planificateur. Mais d'un autre côté je trouvais ça fantastique d'avoir accès à un portail du Royaume des Fées aussi proche de New York, ça me permettait de pouvoir prendre congé à tout moment sans être vraiment loin, et en plus de ça je serai dépaysagé sans le moindre doute. Chevaucher entre deux mondes a ses avantages, je pouvais littéralement fuir ma réalité. Étrangement je mettais plus de réflexion dans la proposition du terrestre que je ne pensais. Je me garderais bien de lui dire. 

Sa dernière phrase venait de nous faire basculer dans un univers tout à fait différent. Je lui jette un coup d'oeil, longuement, avant de regarder ailleurs.

“-Moi non plus. C'est la police qui se charge de nettoyer il me semble.”

Ça me semblait évident, un employé lambda saurait difficilement ce qu'il faut faire et ne pas faire pour faire partir les litres de sang qui jasaient dans la pièce. Le responsable l'avait presque vidé de son sang en y repensant.

“-Je croyais que tu ne voulais pas parler de ça.”

Parce que pour être tout à fait franc, ce n'est pas mon cas non plus.

[Oden]

Pendant un moment, Oden se demandait pourquoi Daniel le fixait longuement, comme ça. C'était un peu intrusif, et en même temps cela lui permettait d'observer ses yeux à lui. Ils étaient étrangement magnifiques. Il n'y avait aucun mal à avoir de beaux yeux, mais dans le cas de Daniel, il y avait quelque chose d'étrange, de pratiquement surhumain.

" - Oui, désolé. C'est sorti tout seul."

Oden tourna la tête. Maintenant que le sujet était sur le tapis, il s'imaginait ce qu'il aurait fait, s'il avait trouvé ces mêmes yeux le regard vide et mort, dans cette pièce. Si ça avait été Daniel au lieu de quelqu'un d'autre. Il afficha un sourire nerveux, des frissons de dégoûts lui parcourant l'échine. Il n'avait pas ressenti cette sensation de froid depuis des années.

" - Parlons d'autre chose. Je sais pas de quoi. Tu es déjà aller en Suède ? Chez moi, dans mon pays. Tu n'as jamais vu les montagnes, et la neige ?"

La neige blanche, c'était tout ce qui lui venait en tête maintenant. Toujours propre et immaculée. C'était toujours silencieux lorsqu'il neigeait, hors profiter du silence à présent c'était s'exposer à de mauvaises pensées et des idées malsaines.

[Daniel]

Déjà, je mettrais ma main à couper que j'allais avoir le sommeil difficile parce que son visage me hante encore malgré les heures qui se sont écoulés, donc j'apprécierais qu'on en parle pas plus que nécessaire. Ensuite, il va aussi m'hanter pour les prochains jours parce que je vais devoir collaborer ET avec les Shadowhunters ET avec les terrestres. Je comprends qu'on puisse difficilement oublier une événement aussi marquant que récent, mais c'est tout ce que je veux faire : oublier. J'essayais d'oublier tout ce à quoi cet accident pouvait me faire penser, parce que ça ne me ressemble pas.

Je commençais à appercevoir la voiture de loin. Allez savoir, ce soir j'avais décidé de ne pas la garer à l'endroit habituel, je m'en remercie intérieurement. Je ne suis pas sûr que j'aurais eu la motivation nécessaire pour descendre le parking du Pandemonium ce soir.

“-Je n'ai pas vraiment... Voyagé.” 

Du Royaume des Fées à New York, la distance est nulle. C'était une petite escapade, tout au plus. Mais un voyage ? Non. Ça se fera, certainement. J'ai le temps de faire 100 fois le tour de la Terre si ce n'est plus avant de mourir.  J'ai le temps.

“-Mais il y avait des montagnes là où j'ai grandi. De la neige, aussi.”

Toutes sortes de faunes et de flores tout droit sortis de l'imaginaire terrestre, et plus encore. 

[Oden]

Oden essayait de rassembler tous les souvenirs qu'il avait de leur étrange première discussion, rare fois où Daniel avait réellement parlé de son enfance. En y repensant, Oden se disait qu'il ne savait pas grand chose de Daniel. Voire, quasiment rien. D'où il venait, ce qu'il avait fait, vu, ce qu'il adorait, les gens qu'il aimait, en bref, Oden ne savait rien de lui en dehors de la boite de nuit.

" - Ca te dirait de venir avec moi ?"

Oden se stoppa dans sa marche, le visage aussi sérieux qu'impassible. Aucune trace de sévérité ne traversait les traits de son visage, mais sa demande était tout ce qui était de plus sérieux.

" - Pas maintenant, ni dans les semaines à venir. Mais si la chance se présentait, tu viendrais avec moi faire un séjour en Suède ? J'ai toujours voulu voyager avec des amis, faire des roads trips, ce genre de truc populaires."

[Daniel] 

Je me suis arrêté net dans ma marche, en même temps qu'Oden. Oh, je crois que j'ai mal entendu ce que je viens d'entendre. Rien dans les yeux d'Oden ne portait pas à croire qu'il plaisantait, c'était d'autant moins logique. Je plaide coupable d'observer énormément Oden, c'est pour ça que je sais qu'il a du succès, auprès de tout le monde. En même temps quand il aborde cette étiquette de “happy go lucky” en toute circonstance, c'est difficile de ne pas l'aimer. Pourquoi, de toute les personnes, de tout son entourage il me demandait à moi quelque chose d'aussi important ? 

La réponse à la question ci-dessus est arrivé en clin d'oeil, et elle m'a pris au dépourvu. J'ai tourné la tête hors de son champ de vision en sentant mes joues s'empourprer. Ahaha, on allait de surprise en surprise avec Oden. Merde, cet humain va finir par me tuer un jour. 

Une fois suffisamment calmé, je revenais vers lui, en reprenant ma marche. Comme si de rien n'était. Il me considère comme son ami. Ça ne sonnait pas aussi horrible que je l'imaginais.

“-Tu me comptes parmi la liste de tes amis alors ?”

[Oden]

Oden récupéra un semblant de sourire, se penchant en avant pour essayer d'observer le visage de visage de Daniel qui s'était caché immédiatement après ses paroles. C'était si adorable.

" - Ca me semblait évident, on rigole bien toi et moi. Sinon je viendrais pas te voir quand t'es en haut. Pas toi ?"

Quelque part, ça n'avait pas tant d'importance que ça ne soit pas réciproque. Jusque là ça n'avait pas empêché les deux garçons de continuer à interagir l'un avec l'autre. Même si toutefois, Oden serait peut-être vexé d'entendre que pour Daniel, c'est quelque chose de banal, qu'il pouvait faire avec tout le monde. Il ne voyait jamais son patron discuter avec les autres employés comme il le faisait avec lui, ce serait une sorte de mensonge.

[Daniel]

Oui, on rigole peut-être bien ensemble -attendez, vraiment ?-, mais d'un autre côté on pouvait s'engueulait avec une puissance magistrale. Je n'ai aucun parti pour ce qui est des amitiés terrestres-créatures mais oof, ça pouvait très mal finir si on n'est pas prudents. Oden ne sait pas où il met les pieds.

 Sa question est bien délicate. Enfin, selon moi.  Je ne le traitais pas de la même façon qu'avec une grande partie des gens, ce qui n'avait rien à voir avec le fait que d'une manière ou d'une autre, on s'est retrouvés à coucher ensemble. J'irais même jusqu'à dire qu'on se soutirait quelque chose l'un à l'autre. Mais ma petite obsession est-elle seulement de l'amitié ? 

“-Je t'aime bien, Oden.” marmonnais-je presque

Il ne pouvait pas me demander d'en dire plus ce soir, ni pour les prochaines semaines d'ailleurs. Parce que ce que je viens de faire là, ça relevait du miracle. C'est peut-être des paroles en l'air pour lui, mais en ce qui me concerne je sais que c'est on ne peut plus vrai.