Résolu 9. Elephant in the room [Daniel x Oden]

[Oden]

Le silence était mortel. Plus il s'immisçait sous leur peau, rampait entre leur jambes, se glissait contre leur lèvres, plus Oden se terrait dans sa chaise. Le grand garçon qu'il était essayait de se faire le plus petit de la pièce, appuyant sa langue contre les parois de sa bouche en réfléchissant. Plus il pensait, plus son regard devenait sombre. Parfois, il se demandait s'il n'était pas sur le point de pleurer. Oden n'avait jamais réellement pleuré, ce qui le chamboulait d'autant plus. La présence soudaine de Daniel les ramenait tous à la réalité. Il était difficile de ne pas devenir paranoïaque dans une telle situation. Est-ce que ça allait tourner en une face aux sorcières ? Est-ce que quelqu'un d'autre va y passer ? Qui a fait quoi, qui était où, est-ce que quelqu'un sait quelque chose ? Daniel avait cet air toujours imposant, comme s'il contrôlait tout. C'était rassurant, la dernière chose à laquelle il se rattachait actuellement. Les autres commençaient déjà à se soulever du sol, des chaises, lourdement et maladroitement pour sortir dehors comme des pantins désarticulés.

" - Je dois récupérer... Il faut que j'aille chercher mes affaires, s'il te plait."

Juste après avoir prononcé ces mots, Oden baissa les yeux. Il pouvait attendre, même si c'était important pour lui de récupérer des médicaments qui pouvaient l'aider à faire redescendre sa tension, des affaires propres, ce genre de chose. Enfin, il ne voyait pas Daniel s'y opposer, mais il pouvait toujours dire non. Oden n'était pas d'humeur à lui tenir tête.

[Daniel]

Vu le spectacle auquel les employés ci-présents viennent d'assister, je n'ai pas besoin de faire des pieds et des mains pour que tout le monde se mettent à sortir. Personne ne voulait rester une seconde de plus dans des circonstances pareilles, là encore il est plus simple de fuir la réalité des choses que de l'accepter tel quel. Surtout quand tout comme je le fais, on vit à cheval entre deux mondes distincts : maintenir les apparences dans leur monde, et jouer le jeu dans le mien. 

Face à Oden c'est la même histoire, rester implacable pour faire tenir les charmes. Peut-être oui, que ça me chamboule plus que je ne veux le faire prétendre. En revanche tant qu'il y a du monde autour, je ne peux rien laisser paraître. C'est la règle du jeu. Oden ne devrait pas se balader tout seul dans le nightclub après la découverte du cadavre ; j'ignore si le responsable rode dans les parages. Et même, simple question de principe : personne ne devrait pouvoir retourner aux casiers avant que la police n'ait terminé son travail, aussi superficiel soit-il.

Oui, mais avec lui on ne sait jamais.

“-Je vais t'accompagner, tu ne devrais pas trainer tout seul après ce qu'il vient d'arriver.”

[Oden]

Pour toute réponse, Oden plissa les lèvres en un sourire forcé, utilisant le siège de la chaise pour se relever et se remettre sur pied. Il n'avait pas non plus le coeur à la remettre à sa place, mais s'empressa simplement de passer à côté de Daniel, qu'il observa comme s'il essayait de déceler le moindre doute avant de commencer à partir vers les vestiaires. Oden se réconfortait en se disant qu'ils n'étaient pas loin et qu'ils n'auraient pas besoin de passer devant la pièce incriminée de toute manière. Puis, c'était rassurant de savoir Daniel avec lui, en quelques sortes.

" - C'est quoi, ta théorie à toi ? Tout le monde construit une hypothèse, je crois que ça les rassure de savoir. Ca doit les tenir du danger s'ils pensent qu'il n'y en a plus."

Pour ce qui est de sa propre idée face à ce qui vient de se produire, Oden n'en avait aucune idée. Sauf qu'il avait passé du temps à observer le cadavre, contrairement à son amie qui avait préféré détourner les yeux instantanément - et à juste titre. Quelque chose le travaillait, sans qu'il ne puisse prononcer un seul mot. Il valait mieux en parler, pour sortir ce qu'on a sur le coeur et ne pas imploser, mais Oden n'avait pas envie de pointer du doigt quelqu'un immédiatement, même si l'envie le démangeait.

[Daniel]

Non pas que je ne connaisse pas le chemin pour aller aux vestiaires, mais ayant laissé passé Oden devant, je le suis de derrière silencieux. Certains employés se tournent vers nous, curieux du mouvement à l'intérieur. Les gens doivent finir par se poser des questions à force de nous voir ensemble, Oden et moi. Parce que oui, je ne vais pas nier que ces derniers temps on est souvent fourrés ensemble. Le terrestre a la sale manie de se mettre dans des affaires qui ne le concerne pas, et moi sachant de quoi il en retourne j'ai la sale manie de le sortir des situations dans lesquelles il se met, pour le meilleur j'espère. Enfin, pour lui.

J'ai relevé les yeux vers lui qui venait de briser un silence que j'aurais qualifié de nécessaire. C'est vrai, je n'ai pas spécialement envie de parler de ce qu'il vient de se passer, de plus que je n'ai pas besoin de théorie quelconque dans la mesure où j'ai une bonne idée de ce qu'il s'est réellement passé. Ce qui m'énerve c'est que je n'ai pas su l'arrêter.

“-Je pense que c'est à la police d'étayer les théories, donc je ne me prononcerai pas.”

C'est la meilleure réponse que je puisse lui donner en dépit de tout ce que je peux ressentir dans l'immédiat. Sans oublier que je vais sans doute devoir fermer le club le temps de l'enquête, je vais avoir les Nephilims sur le dos aussi, et ça c'est une bonne façon de me plomber le moral.

“-Et toi, tu as des théories ?”

[Oden]

La nervosité qui animait Oden actuellement le faisait marcher bien rapidement. Lui-même comptait ses pas pour se distraire, et faisait attention à l'endroit où il mettait les pieds comme si le sol pouvait s'effondrer à tout instant. Il gardait toujours un oeil attentif sur Daniel. Il lui faisait confiance, et si meurtrier il y avait il ne pouvait pas croire que ce soit Daniel. Cependant il était difficile de ne pas céder à la paranoïa et de ne pas se demander si c'était une bonne idée de se retrouver seul avec Daniel. Malgré tout, ce n'était pas sur lui que toute son inquiétude se plaçait. Oden rejoignait rapidement les vestiaires, ouvrant la porte avec beaucoup d'appréhension. Allait-il retrouver un autre cadavre derrière la porte ? Là, il ne pourrait pas le supporter. Difficile d'être plus pâle qu'il devait l'être actuellement. La porte se poussa comme d'elle-même, et rien. Il n'y avait personne. Oden souffla, se dirigeant vers ses affaires.

" - Je n'arrête pas de le revoir."

[Daniel]

J'ai laissé le silence s'immiscer, sans tentative de le briser maladroitement. Ce qu'il vient d'arriver est tragique, il n'y a pas matière à discuter sur ce genre d'événement, du moins pas de cette façon. Le processus de la mort est une chose inévitable dans toute nature confondue, en mourrant on fait don de notre corps à la terre, cela ne rend pas la chose plus simple à accepter pour autant. Je ne suis pas quelqu'un de très empathique de nature, ni même avec énormément de compassion. Mais au moins sur ça, je comprends comment Oden peut se sentir.  

Je restais à l'entrée du vestiaire, tel un vigile prêt à repousser toute menace si jamais menace il doit y avoir. Je suis plus fort que j'en ai l'air, faut dire que la magie aide beaucoup. Aux paroles d'Oden, je passais toute ma frustration sur ma lèvre, pour empêcher les mots de sortir. Moi aussi, je vois encore son visage, livide et terne. J'ignore quoi lui dire, et je ne suis pas du genre à partager mon état émotionnel...

"-C'est difficile d'oublier une scène comme celle-ci.”

[Oden]

Lorsqu'Oden se risquait à poser ses yeux sur Daniel, il ne savait pas quoi penser à chaque fois. Certes, rien ne pouvait prouver que Daniel n'était pas fautif de quelque chose, et pris par la paranoïa, il était difficile de faire partir toutes ces mauvaises pensées. En même temps, Oden croyait l'avoir côtoyé suffisamment pour ne pas se sentir tant que ça en danger avec lui. Et puis, de toute manière, il faut bien mourir un jour.

" - Ce que je vais dire va te sembler stupide, mais..."

Faussant un petit sourire nerveux, Oden enfonçait ses affaires dans son sac. Il le plaça sur son épaule, évitant de croiser le regard de Daniel, son poignet gauche dans sa main droite.

" - Je n'arrête pas de penser à Keith, aussi. Je ne l'ai plus revu depuis la dernière fois, mais c'est lui qui rôdait près du Pandémonium et qui semblait dangereux, aussi. Il aurait pu se venger, ou quelque chose comme ça... Je n'arrive pas non plus à reconnaître qui était dans cette pièce."

Après l'avoir dit à voix haute, cela lui semblait encore plus idiot qu'à l'accoutumé. Il s'empressa de rejoindre Daniel, pour retrouver les autres et probablement la police à l'entrée de la boite de nuit.

[Daniel]

Je dois avoir l'air d'être insensible au possible dans l'immédiat, en même temps qu'attendez-vous de quelqu'un à qui on a toujours appris à taire ses véritables intentions, ses véritables émotions ? Je suis en terrain glissant dira-t-on, puisque d'un côté il faut que j'ai une certaine attitude avec certains, puis une différente avec d'autres. Au final, je n'ai jamais le temps d'être moi-même. 

Je regardais Oden, silencieux jusqu'à ce que lui se décide à parler le premier. Pour dire quelque chose qui n'est pas des moindres, qui-plus-est. J'ai beau gardé ma poker face habituelle, en revanche il faut dire que je suis réellement impressionné par la perspicacité dont Oden a fait preuve jusque là. Il me l'avait déjà démontré plus d'une fois, et une fois de plus il n'y manquait définitivement pas.

“-Tu penses qu'il a quelque chose à voir là-dedans ?”

Quel vilain défaut que de mentir ouvertement. Je ne miserai pas sur ce...Keith, c'est ça ? Je ne miserai pas sur lui, mais oui, ça m'a tout l'air d'être une attaque de vampire. Les Shadowhunters nous en diront plus, je ne suis pas flic après tout. 

Oden arrivé ma hauteur, c'est à mon tour d'ouvrir la danse pour rejoindre le hall d'entrée et la sortie. Normalement, tout le monde est déjà sorti, donc s'il nous arrive de croiser quelqu'un dans les parages, il faut immédiatement envisager le pire.

[Oden]

Pour toute réponse, Oden haussait les épaules. Si Keith était le coupable ? Oui, non... Il avait rôdé autour du club de nombreuses fois, avait même réussi à obtenir la confiance d'Oden - ce qui n'était pas une tâche si difficile en réalité. Ce n'était pas tant ce qui le bouleversait dans l'idée que ce soit probablement Keith.

" - Si c'était lui, tu crois que ça aurait pu être moi ? Ou toi, c'est toi qui l'a envoyé baladé la dernière fois."

A la rigueur, Daniel était bien plus massif, Keith semblait aussi fragile qu'une brindille, un simple souffle l'aurait fait basculé en arrière. Daniel n'avait pas grand chose à craindre de lui.

" - Tu sais quoi, laisse tomber. Je crois que je m'en fais beaucoup trop."

Tout le monde était partie très vite en besogne, et avait suspecté un meurtre. Ca pouvait très bien être accidentel, même si rien ne l'indiquait. La posture dans laquelle la pauvre victime s'était retrouvée, la salle fermée, ça ne faisait pas sens.

" - Tu vas avoir des problèmes ?"

Avant de rejoindre les autres, Oden s'intéressait aussi à Daniel. C'était son club, ses affaires. Cette affaire pouvait donner une bonne publicité - un peu morbide certes - ou au contraire faire fermer le Pandémonium pour de bon.

[Daniel]

Ah, ça restait quand même rien de plus que de des doutes. Tant mieux, quelque part. Tant qu'il n'a pas de réelles raisons d'aller fouiller, il ne le fera pas, et combien même spéculer lui apporterait un quelconque réconfort, sans preuve Oden n'a aucun moyen d'aller chercher au delà de son imagination. N'empêche que sa perspicacité sur certaines choses me ferait presque peur. C'est une chance de pouvoir accompagner le terrestre quelque part, je peux m'assurer qu'il n'aille jamais trop loin dans les coins sombres. 

Pour ma part, je n'avais pas grand chose à craindre d'un vampire parce que ma magie fait office de protection suffisante. Je n'ai pas le mérite de me qualifier comme étant la plus puissante des fées, il n'empêche que je reste une fée et que cela fait d'office de moi un être aux pouvoirs plus puissants que la norme des Créatures Obscures. Non, je n'ai rien à craindre d'un vampire banal.

On s'est retrouvés devant l'entrée du club en un rien de temps. Les pensée s'accélèrent considérablement dans les situations critiques, le temps passe en un battement d'aile.

À l'extérieur, la police est déjà sur place. 

“-Rien auquel je ne survivrai pas.”

Des problèmes ? C'est sûr et certain. La police terrestre va me bombarder de questions, rôder plusieurs jours avant d'en venir à une affaire non concluante. Les Nephilims feront pareil, avec un peu de chance peut-être que cela paiera plus.

“-Le club va fermer ses portes quelques temps, le temps de l'enquête.”