Résolu 8. Bad Dream [Daniel x Oden]

[Daniel]

La semaine qui a suivi n'était pas des plus calme. Avec Oden à l'hôpital, ce dernier n'a pas pu être témoin des allées et venues des Shadowhunters dans l'enceinte du Pandemonium, il faut dire que ces vautours n'ont pas perdu de temps. Des questions, voilà ce qui est tombé. Des questions, et de la condescendance dans leur voix, rien de nouveau vous me direz. La routine, ou le métier de patron, il a fallu que je coopère avec la police du Monde Obscur et la conversation a été bien pertinente. Oui, j'ai vu le vampire. Non, je ne le connaissais pas. Oui, le terrestre va bien, et oui, le Monde Obscur va bien aussi. Merci, au revoir et à jamais dans le meilleur des mondes.

Oden, comme il en a été convenu au préalable n'est pas venu travailler les jours qui ont suivis, et que l'Ange soit avec lui, personne ne lui en tiendra rigueur. Bellamy m'a informé que l'albinos n'est pas resté plus longtemps que nécessaire à l'hôpital, mais il n'est pas encore revenu au travailler; ça ou je ne l'ai pas croisé. Fort peu probable. Le Pandemonium a retrouvé le semblant de calme auquel il est habitué, bien que ça ne soit jamais vraiment le grand calme plat. Du haut de l'étage, je suis seul ce soir. Pas de groupies, pas de garçons, pas de single malt non plus. Juste moi, dans le vide de mes pensées.

[Oden]

Ca avait était une semaine des plus... complexes. Oden avait été forcé de rester chez lui. Au départ, par précaution, il avait été contraint de ne pas sortir et se reposer un jour ou deux, voire trois tout au plus. Ca avait duré plus de six ou sept jours, il n'en était plus très sûr. Il avait passé la première journée à dormir, réellement. Il ne s'était pas réveillé une fois, n'avait pas réellement faim, ni soif, et avait passé sa deuxième journée à se lamenter sur son sort, dans son lit, comme un enfant malade. Le reste du temps c'était passé sans trop d'encombre, si ce n'est une étrange fatigue qu'Oden n'avait jamais connu auparavant. Au moins, il dormait bien, mais n'avait aucune envie de sortir. Son tempérament joyeux c'était éteint, et s'éteignait de jour en jour. Il n'avait pas envie de voir du monde.

Jusqu'à ce soir. Il avait repoussé, encore et encore, le délai pour ne pas retourner bosser auprès de son chef - plutôt que de faire face à Daniel. Il aurait pu profiter d'encore une semaine, sous couvert médical, mais cette solitude qui ramenait le pire de lui devenait plus qu'étouffante.

Il s'était donc préparé à se rendre au Pandémonium, et avait franchi les portes avec une certaine hésitation; Au moins, les marques avaient disparues - du moins celles de Daniel. Les autres avaient formé deux petits points blancs sur sa nuque, et cicatrisaient encore. Ils avaient le mérite de ne pas être aussi voyant que ça, au moins.

[Daniel]

La musique me rendait sourd, c'était un bruit continu tout autant que distordant, qui a le mérite d'au moins crier plus fort que mes pensées. C'est se sentir vide et complet dans une même bulle, tout le monde m'a l'air de n'être que de façade. Enfin, qu'est-ce qu'il y a de plus superficiel que les gens en boîte de nuit, après ? Je me compte dans le lot au passage. 

C'est le regard pensif et pleins de questions que mes yeux ont finis par capter un mouvement blanc, presque fantomatique parmi la foule. Une manière avancer que je ne peine plus à reconnaître désormais. C'est vrai, avez-vous idée d'une nombre de fois que j'ai passé à garder un œil sur ce que le concerné pouvait faire ? Oden est de retour, en chair en os. De la chair putride et de la poudre d'os, c'est tout ce qui resterait de lui si la semaine passée, je n'étais pas intervenu dans son manège avec le vampire.

Certes, mon habitude de le regarder de loin ne s'est pas perdue en chemin, seulement voilà, l'acte en lui-même a perdu de son insistance et de son intensité. Il faut dire que je ne me pose plus tout à fait les mêmes questions. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre avec l'albinos, c'est sûr et certain qu'il va demander pour des explications. Simplement, jusqu'où ? Je suis un piètre menteur. Pour me distraire et éviter qu'Oden ait la mauvaise idée de venir par ici tout de suite, je me suis décidé à regarder ailleurs. N'importe où.

[Oden]

Il s'arrêta net, un moment. Il observait les gens qui se balançaient d'un pied sur l'autre, évitait maladroitement une fille qui s'écrasait sur lui et qui se faisait tirer au loin par ses amis sans un mot, les phalanges qui se frôlent, les épaules qui s'entrechoquent, et Oden de nouveau au milieu d'un semblant de houle, comme des vagues plus bas que lui. Comme un éclair de génie, comme si on le lui avait murmuré à l'oreille, il releva les yeux de sa petite foule autour de lui, inconsciente de sa présence vers l'étage du haut.

Il n'était pas bien sûr de savoir si c'était Daniel qu'il discernait. Il était persuadé de voir ses cheveux - on ne pouvait pas se méprendre sur leur étrange couleur - mais Daniel... Où était Daniel ? Là, et absent en même temps. Il ne le regardait même pas. Il ne devait pas s'attendre à le voir. C'est vrai qu'il ne l'avait pas prévenu. Aurait-il dû le faire ? Il n'avait pas jugé bon de donner des nouvelles - n'avait surtout pas la force de se lever et d'envoyer un premier message de toute manière. Vu qu'il n'en recevait pas non plus, Oden jugeait que la situation n'avait pas besoin de se régler.

Dans un soupir, le suédois essaya de se frayer un chemin vers son bar, habillé comme à son habitude de ce costume si basique. Bizarrement, c'était comme si toutes les jolies choses ne l'intéressaient plus vraiment. Il avait du mal à récupérer un semblant de sourire. Tout lui semblait frapper un rythme qu'il avait du mal à reconnaître. La situation devenait étouffante, jusqu'à ce qu'il se retrouve derrière le bar, enfin protégé des autres. Si Oden était sûr d'une chose, c'est qu'il était à la limite de devenir son antipode, que ce soit par fatigue ou par confusion. Il restait tout de même assez lucide pour garder un semblant de sourire sur ses lèvres. Peut-être que plus tard, Daniel le remarquera, et il ne se sentira pas autant impressionné d'aller le voir. C'était ce qu'il espérait.

[Daniel]

Le cas d'Oden était particulier si on peut l'entendre ainsi. Non pas qu'il soit le premier terrestre à n'avoir jamais été mordu, sur tout un échantillon de population, cela ne fait aucun doute qu'Oden est un des rares spécimens à avoir montré un système immunitaire amoindri par de telles attaques. Il aurait pu arriver bien pire, le timing a énormément joué. Et même en sachant ça, c'est amusant que je trouve difficile d'oublier l'événement de la dernière fois. 

Je constate le mouvement du terrestre du coin de l'œil, l'acte s'admettant être plus fort que moi dans sa largeur. La petite étincelle dans son regard a naquit sous l'aile de la confusion, bien sûr que cette situation de le rendre confus, autrement je ne comprends pas. Certains de ses collègues se précipitèrent vers lui pour prendre nouvelle de son état, je suppose qu'Oden est bien apprécié des autres. J'aime à penser que sa gentillesse dégoulinante peut faire son charme, tout comme ça peut faire qu'il peut être difficile de l'approcher. Sa sociabilité peut donner l'air qu'il a des choses à cacher. De temps à autre, nos yeux se croisaient. Je lui ai fait un petit signe de la main, salut simple de ma part. Venir le voir reviendrait à me jeter dans la gueule du loup, or je ne peux pas me résigner à l'ignorer entièrement.

[Oden]

Oden ne répondit pas. Il était peut-être beaucoup trop pris dans ses propres questions et étonnements pour le moment pour réagir rationnellement. Il baissa simplement les yeux, content et même soulagé de s'apercevoir qu'il ne l'ignorait pas et que Daniel le reconnaissait toujours. Il pouvait bien prendre un moment pour aller le voir, pas maintenant, mais après peut-être.

Ce moment est arrivé un peu plus vite qu'il ne l'aurait cru, ceci dit. Après ce qui lui semblait être une à deux heures, Oden eut enfin la chance de pouvoir s'éclipser en haut des escaliers. Ce n'était pas sa pause, mais il avait l'habitude de servir Daniel aussi, de temps à autre. Ses propres collègues devaient être ravi de le voir reprendre ses petites habitudes. Oden n'était pas du genre à disparaître comme ça, et n'avait parler de son problème de santé à personne - il avait dû batailler avec son chef pour lui faire comprendre que non, il ne mentait pas, et que même s'il ne comprenait pas très bien son ordonnance en Suédois elle était tout de même valide. A bon entendeur.

Il montait les escaliers quatre à quatre, sans se précipiter pour autant. Il passa d'abord seulement la tête, espérant croiser les yeux de Daniel pour avoir son autorisation de venir le voir, et l'interpela.

" - Hey hey ..? Est-ce que tu as un peu de temps ?"

(Hey ! Ça va ?)

[Daniel]

Ma main est revenue se plaquer sur la rembarde, mes yeux de fées fixant dans la direction d'Oden, à l'instar de ce dernier qui avait l'air de regarder en bas, pour ne pas avoir à me faire face. Eh bien ? Là n'est pas envie de me faire des films pour rien, autrement je pourrais presque croire qu'il m'ignore. Il n'est pas impossible qu'il encaisse moins bien son expérience précédente que je ne l'ai cru.

Ce soir-là, je n'ai pas rejoint ma table habituelle. Penché au dessus de tout, sauf de ce qui me traversait l'esprit, ça me submergeait. Rien à voir avec Oden, en même temps cet incident devrait  tenir le terrestre à carreaux au moins pour la semaine à venir ou dans le cas contraire, je ne comprends officiellement plus comment le monde fonctionne. Tout ça pour dire que j'ai sûrement beaucoup de choses en tête mais qu'Oden n'est pas au top de la liste. Par ricochet si, mais en ligne droite ? Non.

L'interpellation du prénommé m'a légèrement déconcerté, à ce sujet. Je suis tellement ailleurs que je ne l'ai même pas venu venir. La carte de l'indifférence est celle que je joue la mieux, et encore celle dont je me sers pour ne pas laisser paraître que possiblement, je suis content de le voir de nouveau parmi nous.

 Pour toute réponse, j'ai légèrement hoché la tête, mon verre de single malt à la main. Du temps à lui accorder, pour l'instant j'en ai. Qu'il en profite.

“-Tu vas mieux ?”

[Oden]

Ses longues réactions trahissaient son hésitation et ses réflexions. Oden appuyait sa langue sur son palet, pensif. Daniel n'avait pas changer, rien n'avait changer en fait. Oden se sentait juste soudainement à contre-pied de tout le reste. Et donc de Daniel aussi. Il n'était même pas sûr d'être en accord avec lui-même ou de savoir à quoi il pouvait bien penser.

Oden se disait que sa question était une sorte d'invitation, et s'avança un peu plus vers lui, frottant ses mains entre elles comme pour effacer toute trace de son travail en contrebas.

" - Oui oui, tout va bien normalement."

Son coeur ne faisait plus des siennes. Les marques se voyaient moins, elles ne faisaient plus mal non plus. De toute manière, dans une boite de nuit, qui irait remarquer toutes les cicatrices qu'il avait ? Personne. Il faisait partie du décor, voilà tout. C'était peut-être mieux comme ça, Oden n'avait pas envie de se faire remarquer et de refaire des siennes. Il n'était pas sûr que Daniel irait le chercher à chaque fois.

" - Et toi ?"

[Daniel]

Ça serait presque une évidence même que la réponse à ma question était qu'il allait bien. De un, parce que dans le cas où il ne se sentait pas bien, le Pandemonium est le dernier endroit auquel Oden devrait penser. Ensuite, c'est Oden. Oden ne va jamais mal de ce que j'ai pu en voir jusqu'ici, ou bien lui est en mesure de taire son ressenti plus facilement que moi. Ce qui, au final, revient au même : s'il est le seul à  savoir comment il se sent, aux yeux du monde c'est comme s'il n'avait rien. L'incident de la dernière fois, aussi, devait peut-être jouer. Est-ce qu'on peut sincèrement aller bien en ayant ce genre de problème interne ? Allez savoir. Étant donné que je ne suis pas dans cette situation, je ne peux même pas compatir.

“-Ça peut aller.”

Même en voyant Oden s'approcher du coin de l'oeil, je reste implacable, les yeux rivés sur cette même foule. Oh, je n'ai rien d'alarmant, rassurez-vous. C'est juste qu'il y a quelques histoires qui me trottent dans la tête. Les Nephilims font plus de rondes ici, ces derniers temps. Déjà, il y a eu l'histoire avec Oden -d'ailleurs ça m'étonnerait pas qu'on garde un œil sur lui depuis, et puis ils ont des raisons de croire qu'il y a une sorte de trafic mystique qui se passe dans les parages. Pourtant ce n'était ni le lieu, ni l'endroit. Toutes les Créatures savent où aller si elles veulent avoir affaire avec une quelconque histoire d'illégalité sans être embêtés par les Shadowhunters. Et pourtant, c'est ici qu'ils ont choisis.

[Oden]

C'était plus simple qu'il ne l'aurait cru de sourire. Peut-être la présence de Daniel, il l'avait bien protégé et aidé la dernière fois. Il était content de le revoir et de s'apercevoir que leur petite querelle était passée. Enfin, il l'espérait. Ce n'était pas parce que Daniel ne le rejetait pas catégoriquement que les choses s'étaient améliorées pour autant.

Ca peut aller ? Ca peut aller. Ce n'était pas une si bonne réponse à recevoir. Presque spontanément, Oden mit ses interrogations de côté. Il gardait ses mains jointes, presque innocemment comme manière de se protéger lui-même. Se protéger de quoi, il n'en savait rien. Il était anxieux à l'idée de recevoir quelque chose de négatif, probablement.

" - Tu veux en parler ? J'ai un peu de temps devant moi."

Oden n'était pas sûr que Daniel soit un grand bavard, surtout en ce qui devait concerner ses sentiments. En fait, il était même quasiment certain que Daniel gardait tout pour lui et faisait mine d'aller bien, comme lui, pour que les gens n'aillent pas fouiller plus loin.