Résolu 8. Bad Dream [Daniel x Oden]

[Daniel]

Expérimenter ? J'ai toute une vie pour expérimenter. Des siècles et des siècles, et si je ne trouve pas de quoi combler ce qui m'attend, je risque de finir comme les Sorciers et mourir d'ennui.

“-...J'ai un tatouage.” 

Je ne parle pas de ma plume qui est une tâche de naissance, mais du petit papillon qui arpente le milieu de mon dos. La nature nous a faite parfaitement c'est vrai, mais il est vrai que certains arts humains restent intéressant pour exprimer son ressenti, ou les choses en lesquelles on croit. Le tatouage, en particulier a su attirer mon attention.

“-Mais au delà de ça, je pense que j'ai ma singularité de base sans avoir à faire tout ça.”

[Oden]

A cette simple affirmation, les yeux d'Oden semblaient briller d'eux-mêmes, sans besoin des lumières du club. Quelque chose de terriblement malicieux. Il s'allongea davantage sur le bar, observant le visage de Daniel. En même temps, il pointait sa propre joue, comme pour signifier si c'était la forme qu'il avait du mal à percevoir sur le visage de Daniel.

" - Je ne parle pas de perdre ta singularité, ou au contraire, d'en avoir."

On pouvait entendre son sourire dans sa voix. Oden avait récupéré de son bonheur habituel, simplement en passant un peu de temps avec Daniel. Pour une fois qu'il se montrait relativement agréable et social.

" - Je dis juste que, c'est comme avoir un canvas vierge. Il peut être blanc, vert, noir, bleu, rien ne t'empêche de le laisser comme il est, de faire un petit soleil dans le coin ou de le repeindre entièrement. Ce n'est pas parce que soudainement tu te teins les cheveux que tu vas perdre ce qui fait toi, bah, toi. Tu peux le laisser vierge, ou le repeindre, ton canvas restera toujours, à la base, blanc, vert, noir ou bleu. C'est pas parce que je me ramènerai demain avec une mèche, disons, rose ? que je ne serai plus albinos."

[Daniel]

Qu'est-ce qu'il fait là, exactement ? J'ai penché la tête sur le côté, demandant des explications sur son comportement. Qu'est-ce qu'il pointe comme ça ? Je ne suis pas sûr de savoir où il veut en venir jusqu'à ce que je percute que ce qu'il pointe c'est ma joue. J'ai secoué la tête en négation. Ça aurait pu mais non.

“-Il est dans mon dos.”

 Je frôle le motif du bout mes doigts afin de ressentir sa petite bosse quasiment inexistante,m au bout de ma pommette gauche.  C'est une marque de naissance, les motifs comme celui-ci sont fréquent chez les fées, un rappel à notre connexion à la nature. Rien à voir avec le dessin dans mon dos, une sorte de renaissance stupide pour avoir commencé une nouvelle vie ailleurs, ici.

Dans les grandes lignes je vois où il veut en venir, à résumer grossièrement ce serait l'idée “Ton physique n'incide pas sur ce qu'il se passe dans ton comportement”, quelque chose comme ça. Je ne cherche pas à personnaliser mon canvas ou autre que pour des choses qui en valent la peine, mais je ne ferais jamais vraiment de modifications trop flagrante qui ne vont pas avec ma personnalité, ça ne serait pas productif disons.

“-J'aime bien quand c'est subtil.” 

Si modification il doit y avoir, j'aimerais faire en sorte qu'elle ne se voit pas trop. J'attire suffisamment l'attention pour en rajouter une couche.

[Oden]

Oh, alors ce n'était définitivement pas ce qu'il avait sur la joue. Son sourire s'agrandissait, ses yeux pétillants. Il se balançait presque d'un pied à l'autre, doucement. Il était rare de le voir avec des airs pervers sur le visage, mais elle se mélangeait à son innocence naturelle.

" - Vraiment ? Tu rigoles, je ne l'ai même pas vu, je ne l'ai même pas senti."

Il roucoulait presque. Ca l'amusait, et puis, pour le peu qu'ils en avaient parlé - ils avaient trouvé le moyen de s'engueuler là-dessus, d'ailleurs, chose qu'Oden haïssait plus que tout. Mais il n'avait pas oublié le fait qu'il avait couché avec Daniel, loin de là. Difficile d'oublier un partenaire aussi difficile d'accès que lui.

" - Il ressemble à quoi ? Je pourrais le voir ?"

[Daniel]

Le sourire que j'arbore est plus discret que celui d'Oden, ou même de la sorte d'excitation que l'expression de ses yeux pouvait traduire en cet instant présent. Et pourtant je parie qu'on sourit pour la même raison.

“-...C'est parce qu'il est relativement discret.”

Ça ou Oden était affairé à d'autres choses quand l'opportunité s'est présenté, choses dont je ne vais pas me plaindre. Moi-même il m'arrive d'oublier que j'en ai un, c'est mon reflet de le miroir qui me le rappelle à chaque fois. Alors qu'Oden, qui n'a vu mon corps qu'une seule fois, puisse remarquer mon tatouage aurait été assez impressionnant.

“-C'est un papillon.”

En plein milieu de mes omoplates, de taille moyenne.  C'était toujours une façon de me connecter avec la nature sans que ce soit quelque chose qu'elle m'ait donné de naissance, il y a pleins de façon de l'honorer après tout. Et c'était aussi une sorte d'émancipation personnelle, qui plus est.

 J'ai fixé Oden en faisant tourner le liquide au fond de mon verre de façon contrôlé avec la pression de mes doigts sur le verre, pour éviter les incidents inutiles. 

“-Si l'occasion se présente.” répondis-je, un brin de taquinerie dans ma voix.

[Oden]

" - Eh bah, tu vois."

Finalement Daniel avait déjà succombé à cette modification personnelle. Discrète ou pas, il ne pouvait pas dire qu'il était resté exactement le même, tout comme Oden avait les oreilles percées et que ça n'allait pas plus loin. Il croisa les bras sur le comptoir, tournant les yeux vers les gens en face d'eux, complètement ailleurs dans leur petit monde.

" - Si tu le demandes gentiment." répondit-il, espiègle.

Enfin, ça ne risquait pas d'être pour tout de suite. L'épreuve avec Keith l'avait suffisamment bouleversé pour ne pas avoir envie de s'ouvrir à quelqu'un de si-tôt, même si ce serait bien plus simple avec Daniel. Et puis, ils avaient leur petit deal, qui le troublait un petit peu.

" - Et alors, ce que tu as là, sur la joue, qu'est-ce que c'est ?"

[Daniel]

Gentiment, heh. Un court soupir a passé la barrière de mes lèvres, amusé de ce qu'Oden pouvait sous-entendre. Je ne suis pas du genre à demander : quand je veux quelque chose, je le fais. Je l'ai. C'est aussi simple que ça. Mais ce sera pour une autre fois, si on se met à coucher ensemble trop souvent ça finira par avoir l'air sérieux : ça ne l'est pas. 

“-Une tâche de naissance. Comme un grain de beauté, appelle ça comme tu veux.”

En revenant sur le motif qui parsème ma joue, je  le tate du bout des doigts pour moi-même confirmer sa présence. Personne ne croit jamais vraiment que ça puisse être quelque chose de plus qu'un tatouage : la forme est trop étrange pour que être une tâche de naissance, et sa couleur dorée n'aide pas non plus. Et c'est tout ce que c'est, la distinction du peuple féérique.

[Oden]

Oden pencha légèrement la tête d'un côté, dévisageant sans le vouloir Daniel. Il essayait d'apercevoir tant bien que mal ce qu'il avait sur la joue. Une marque, oui. Mais la forme, la couleur, tout ça quoi.

" - La plupart de mes frères et sœurs, les plus jeunes surtout, ils en ont aussi. Ca ressemble à des petites fraises, sur la cuisse ou l'omoplate. Ca part en grandissant."

Pour le nombre de fois où Oden était devenu la nounou de service - bien que sa grande sœur était celle qui faisait réellement la loi - il avait pu remarquer à quel point il était différent de sa fraternité. Bien entendu, la question du père légitime ne se pose même pas. Mais il apparaissait comme une sorte de tache, de flocon sur les photos de famille qui disparait les jours de neige. Et puis, il s'amusait à les compter, ces petites marques. Il n'en avait pas, et bien qu'il n'était pas le seul, il les enviait un peu. Qui n'avait pas envie d'appartenir à quelque chose, de rentrer dans une étiquette populaire ?

[Daniel]

J'ai déjà vécu cette situation un paquet de fois : l'interlocuteur terrestre qui ne peut pas comprendre l'improbabilité d'une tâche de naissance avec une telle forme, une couleur aussi peu naturelle que celle de l'or. Rien qui ait l'air naturel ou humain, pour mon cas précisément.Ils avaient tous des manière de réagir différentes, Oden aura le mérite de ne pas faire de remarques désobligeantes, même si son visage cache très mal le fond de ses pensées. 

“-Tu vas finir par me transpercer à me dévisager comme ça.”

J'ai ramené mon verre à mes lèvres, les yeux relevés vers Oden. Des frères et soeurs alors ?  C'est peut-être là le problème des terrestres : ils se reproduisent un peu trop. Les naissances chez les fées sont si rares qu'on en a fait un évènement de première classe. Alors imaginez quand on réussit à avoir une fratrie... C'était le cas de ma famille avant, puis après il y avait eu cet incident. Je mentirais en déclarant que ça me blesse, je n'étais même pas encore né quand c'est arrivé.

[Oden]

Le suédois finit par se relever, laissant enfin Daniel tranquille. Ses yeux revenaient se poser sur les inconnus qui allaient et venaient devant eux.

" - Désolé, c'était plus fort que moi."

Est-ce qu'on pouvait apprécier avoir une marque aussi unique, originale et quelque part assez discrète ? Oden avait une apparence délicate, mais bien trop tape à l'oeil. Le simple mot "albino" ne le quittait plus, comme le premier adjectif que l'on poserait sur sa personne avant d'être un simple humain. Pour Daniel, c'était bien plus subtil. Il y avait tant de détails excentriques chez lui, qui le faisait plus ressortir comme une personne droite dans ses bottes et particulièrement charmante, qu'un allumé avec une case en moins.