Résolu 11. Showdown [Daniel x Oden]

[Daniel]

Il est encore trop tôt pour que les rues se vident à New York, mais suffisamment tard pour que la nuit soit tombé. Je marchais d'épaule à épaule avec Oden, quasiment. Il a bien intérêt à savoir où on va, parce que j'ai bien envie de le laisser mener la danse ce soir. Moi je l'ai déjà emmené faire un petit tour à Prospect Park, et pour n'importe quel coin de faune sauvage ou autre, je suis le guide idéal. Maintenant, peut-être qu'Oden s'y connait mieux en jungle urbaine. 

“-Au moins tu sais où tu vas.” marmonnais-je 

J'apprécie que les gens sachent où ils vont, ça nous fait quand même gagner du temps. Du temps j'ai que ça à perdre vous me direz, peut-être que c'est ce côté sincérité brutale chez moi qui fait que j'ai besoin que les choses soient dites clairement et pas autrement. Mais soit, si Oden a l'air sûr de sa destination.

[Oden]

" - Mais oui, si tu râles tu peux très bien retourner au Pandémonium."

Oden jeta un regard quelque peu autoritaire à Daniel, histoire de lui faire comprendre. Oden n'avait pas envie de se reprendre la tête avec lui. Ca arrive, de se planter, et de foirer, et plein de trucs, mais il imposait sa limite à la première négativité que les gens pouvaient aborder avec une facilité déconcertante. C'est si simple de se concentrer sur les petites choses faciles de la vie.

" - On va prendre le bus, là. Si tu veux un conseil, tu n'es pas obligé de prendre un ticket, personne ne vérifie cette ligne ici."

Ce n'était certainement pas quelque chose qu'Oden aurait découvert tout seul, si ce n'est avec l'un de ses partenaires. Mais il fallait avouer que le conseil était bon à prendre, les billets sont excessivement chers.

[Daniel]

"-Aaah non, je suis ni repris ni échangé.” 

Désolé Oden, il fallait y penser avant de m'autoriser à venir. De toute façon, ce soir je me sentais prêt à avoir un seuil de tolérance un poil plus élevé que dans n'importe quelle autre situation. Je ne dirais pas que je suis de bonne humeur mais en tout cas, je suis plus apte à laisser passer certaines choses qu'habituellement je n'aurais pas laisser passer. Je suis dans un bon mood.

J'haussais un sourcil, curieux. Les bus ? Je crois en avoir pris que très rarement, au début de mon "arrivé" ici, mais en dehors de ça... ce n'est certainement pas quelque chose que je prendrais de mon plein grès. À quoi bon quand on a une voiture ? C'est en soit largement plus pratique en terme de temps. Oui, mais lui n'a aucune voiture. 

“-Ça me va. C'est combien de temps en bus ?"

[Oden]

Hm, ni repris ni échangé. Oden lui lança un clin d'oeil, espiègle. Il pouvait râler autant qu'il voulait, alors. S'il était sûr de ne pas le perdre en cours de route, le reste lui importait moins.

" - En bus, je sais pas trop, je ne regarde jamais. Ca ne devrait pas prendre plus de cinq, ou dix minutes, ça dépend. Mais il n'y a pas beaucoup de trafic ce soir, donc on devrait être tranquille."

Là encore, était une autre raison pour laquelle Oden préférait se balader la nuit. Pas d'embouteillage, des bus jusqu'à l'aube, il pouvait se rendre partout où il le souhaitait en un clin d'oeil. Il atteignait déjà l'arrêt qu'il devait prendre, de toute façon. Tout ce qu'ils devaient faire, c'était d'attendre. Là encore, il y a des bus toutes les dix ou quinze minutes pour ne pas laisser beaucoup d'intervalle.

" - T'as déjà pris le bus, toi ?"

[Daniel]

Bon, cinq dix minutes ça reste rapide quand même. Dans une ville aussi active et grande que New York on ne peut pas se permettre de restreindre trop les horaires des bus, ce qui explique pourquoi il y a presque un bus toutes les dix minutes ici. C'est encore une autre façon de se déplacer dans la ville, en dehors du métro et autre chinoiseries que j'aurais oublié de mentionner. 

Au loin je peux apercevoir l'arrêt. Hmpf, ça me rappelle qu'à un moment je me déplaçais dans la ville de la même manière. La voiture reste quand même plus pratique. 

“- Hm, oui. Quand je venais d'arriver ici, les deux premières années j'ai dû le prendre."

C'est dans ce genre de phrases banales que les subtilités de notre relation avec Oden se voient le plus. À la surface rien n'a changé, mais en profondeur ça reste quand même déstabilisant. Maintenant que je parle d'arriver, il ne sait pas vraiment d'où, j'arrivais. 

[Oden]

Oden hochait la tête, solennellement. Il arrivait au sujet où il voulait en venir, sans l'avoir réellement fait exprès. Il n'avait pas envie de fouiller dans sa vie sous couvert que Daniel lui avait permis de poser des questions. Il voulait que ça vienne naturellement, parce que Daniel avait des choses à dire, plutôt que parce qu'il avait fait une sorte de promesse. De plus, il avait appris que les fées ne pouvaient pas mentir, ou quelque chose comme ça.

" - Ca a dû te bouleverser, non ? Ca doit être... différent, ou quelque chose comme ça."

Il se rendait compte qu'il ne savait rien. Au fond, ce n'était pas si grave, Daniel lui expliquera en temps et en heure. Lui, ou quelque d'autre du moins.

[Daniel]

Naturellement la conversation s'est orientée sur ma personne. C'était bizarre de pouvoir parler de quelque chose comme ça avec Oden, qui sans le savoir a totalement connaissance que mon univers n'est certainement pas le sien. Alors oui, différent ça relève de l'euphémisme à ce stade.

“- Ça n'a rien à voir. Il y a pas de... Non, il y a rien de tout ça, hm, chez moi.”

C'est dingue de se dire que le Royaume est à portée de main, mur collé contre New York parmi ses nombreuses portes de passage, et qu'il suffit d'avancer d'un pas pour penser être au bout du monde. 

“-Oui, il m'a fallu un certain temps d'adaptation.”

[Oden]

En même temps qu'il parlait, Oden se concentrait visuellement sur la rue en face d'eux, et les gens qui passent. Il gardait aussi un coup d'oeil sur les bus qui venaient, en attendant le leur, mais ce qui l'intéressait étaient les autres personnes, avec leur propres vies toutes aussi complexes que la leur.

" - Pourquoi être venu ici ? A New York, ou sur terre, je ne vois pas trop la différence. Il n'y a rien de spectaculaire, il n'y a pas de magie, il n'y a pas de choses vraiment... intéressante ? C'est plat, c'est ordinaire, c'est toujours la même chose, fois sept milliards."

C'était loin de sa pensée habituelle. Oden trouvait du bon en tout et en chacun, et sept milliards c'était sept milliards de possibilités uniques et surprenantes. Mais du point de vue d'un humain qui côtoie une créature magique, avec des coutumes, des langages, des cultures, des pays différents, et même un soupçon de magie, qu'est-ce que c'est que sept milliards de possibilités prédictibles ?

[Daniel] 

Contrairement à l'albinos a côté de moi, je préférais encore regarder ailleurs que d'essayer de donner un tant soit peu d'importance aux gens qui vont et vient autour de nous. Il n'y a pas d'intérêt à faire ça pour des vies qui s'éteignent aussi vite que celles des terrestres. Le temps que je relève la tête, ils seront déjà plus là. La façon dont je ressens l'écoulement du temps est bizarre de par le fait qu'il n'y a pas de sens à la chronologie dans mon monde. Malgré tout, quand Oden parlait je prends la peine de relever la tête, de voir que sa vie est toute aussi fragile que celle de ceux qui marchent dans la rue. C'est regrettable.

"- Pour moi, ce qui est plat et ordinaire c'est là-bas.”

C'est ma normalité, finalement. Sans oublier qu'il y a cette ambiance de pseudo-bonheur constant là-bas. Fabriqué de toute pièce. On est des solitaires, on ne se mêle pas aux autres. Alors, voir des gens comme moi ici c'est assez... Unique, oui. Les fées ne trouvent pas toutes le même attrait pour une nouvelle vie que moi j'ai eu cet élan de liberté.

“- C'est sûr que comparé à de nombreux autres, vous êtes ordinaires, oui. Mais ça fait toujours ça de plus particulier que chez moi. Pour dire la chose grossièrement, ici c'est la vraie vie.”

[Oden]

La vraie vie... Elle est partout où on jette les yeux. Oden tourna la tête vers Daniel, en considérant ce qu'il disait. C'est vrai qu'il avait l'air de se plaire ici, et qui a trouvé ce qu'il souhaitait faire pendant un certain temps encore, jusqu'à ce qu'il décide de faire autre chose.

" - Je suppose que tu ne dois pas savoir ce que ça fait que d'apprendre que... Tout ce qu'on lit, tout ce dont on pourrait rêver quand on est gosse, eh bien, que ça existe vraiment. C'est quelque chose d'assez incroyable, alors... Au fond, je ne sais plus trop ce que c'est réellement, la vraie vie."

Pour sa famille, c'était le fait de travailler dure, d'avoir une famille, de construire une maison, et d'être un type bien. Si ce n'était que ça, ce n'était pas si difficile, au fond. D'être quelqu'un de bien, en tout cas. Ses valeurs n'étaient pas bouleversées maintenant que les vampires et les loup-garou existent, mais ça donnait un tout nouvel angle par lequel regarder les choses.

" - Je suis presque jaloux."

Oden retrouvait un petit sourire espiègle, bien que sa pensée le soit moins. Avoir des pouvoirs devait être génial, mais savoir qu'il y a tout un monde où il aurait pu se balader normalement sans que les gens se retournent toutes les trentes secondes pour s'assurer qu'il était bien blanc comme neige... Aujourd'hui, Oden n'était pas seulement un marginal dans un monde, mais dans deux séparément. L'un parce qu'il n'avait pas de pouvoir, et l'autre parce que ses yeux n'étaient pas de la couleur habituelle.